Dewald Senekal dispute le temps additionnel de sa carrière. Rencontre avec un homme dont les coups de tête font mal. Normal, elle est bien remplie.
Il a cassé le rituel. Habituellement, lorsque Dewald Senekal traîne sa grande carcasse (1,99 m, 122 kg) d’un pas claudiquant dans le préfabriqué qui fait office de salle de presse à Jean-Dauger, ce n’est jamais bon signe pour l’Aviron. « C’est toujours les soirs de défaites », plaisante le deuxième ligne sud-africain, aussi à l’aise dans les recoins obscurs du terrain qu’avec la langue française.
Mercredi, donc, il s’est avancé pour le rituel médiatique d’avant match. Peut-être son dernier, lui qui tirera sa révérence à l’issue de la saison, à 34 ans, les genoux meurtris par vingt années de rugby. « Il y a des jours où c’est dur, oui, avoue-t-il, poussé par la question. En réalité, j’aurais dû arrêter il y a quelques mois. C’était l’avis de plusieurs spécialistes. Mais le staff pensait que je pouvais amener quelque chose à l’équipe. Je voulais continuer et serrer les dents jusqu’à la fin pour leur rendre cette confiance. »
Merci la France !
Conscient de l’effort de cet ancien joueur de cricket de très bon niveau, le staff lui a servi le menu allégé, à base d’entraînements aménagés. « Je leur suis très reconnaissant, ainsi qu’à mes coéquipiers qui ont accepté ce traitement de faveur. Ce n’est pas toujours facile de voir quelqu’un jouer alors qui ne s’entraîne pas tout le temps. J’ai envie de les remercier sur le terrain. »
Dans 240 minutes, Dewald Senekal bouclera une carrière qui l’a conduit de l’Afrique du Sud à la France, des Cheetahs aux Lions, de Toulon à Agen. Des souvenirs plein la tête, même si l’heure d’ouvrir la malle n’a pas encore sonné. « Il y en a plein, mais j’y songerai autour d’une bière dans le vestiaire, après mon dernier match. » L’émotion est palpable chez cet amoureux des basses besognes. Pas la nostalgie.
« Mon histoire en France est très positive, s’enthousiasme-t-il d’un ton posé, comme toujours. J’ai appris à parler français, j’ai rencontré ma copine ici, je suis en train de passer mon diplôme d’entraîneur, j’attends le retour de mon dossier de naturalisation… Quand je suis arrivé en France, je ne pensais pas du tout que j’en serais là aujourd’hui. » Plus heureux que jamais, et pas du tout inquiet sur ces futurs vieux jours à relever le taux d’humidité au grincement de ses genoux. « À chaque douleur son souvenir. Chaque fois qu’il y en aura une, il y aura un souvenir associé à des amis, des gens que j’ai rencontrés, des moments forts ou difficiles que j’ai connus. Tout cela a plus de valeur qu’un genou en bonne santé ! Ne pensons pas à plus tard. De toute façon, on fera tous des vilains vieux, même les gens qui n’ont jamais pratiqué le moindre sport. Et puis pour le genou, il y aura des prothèses… » La philosophie Senekal résumée en une phrase.
Dans le staff à la rentrée ?
Conscient de tirer ses dernières cartouches, le deuxième ligne a déjà songé à l’après. Entraîneur des cadets de l’Aviron cette saison, il pourrait intégrer le staff professionnel à la rentrée. Mais ne souhaite pas s’étendre. Pas encore. Pour ne pas bousculer ses habitudes. « C’est l’équipe qui compte ».
Titulaire ce week-end, il profite de la suspension de Pelu Taele. Absent face à Grenoble, il ne veut plus manquer la moindre minute. « On est toujours jugé sur notre dernier match, pense-t-il. Il m’en reste trois pour être un soldat et sortir la tête haute. Pour l’instant, je suis fier de ma carrière et je ne veux pas gâcher tout ça sur les trois derniers matchs. » Il n’y a pas le moindre risque.