la parole du président

RENCONTRE AVEC…Philippe Tayeb donne une sacrée ambition à l’Aviron Bayonnais

Le président des Ciel & Blanc livre, sans détours, sa méthode et sa visIon pour ce club jamais comme les autres : sagesse, sérénité et prudence, au cœur d’une passion aussi viscérale que démonstrative.

Parcours d’un compétiteur né…

Philippe Tayeb est venu au monde à Lourdes, il y a 56 ans. Installé professionnellement au Pays Basque depuis 13 ans, il s’est retrouvé propulsé – en pleine tempête – à la barre de l’Aviron Bayonnais rugby, c’était en 2018. Sans trembler, le président « par hasard » (comme il aime à se qualifier avec un éclat de rire) a relevé le défi : une main agile et subtile dans un gant de fer.
 
Lourdais et fier de vos origines ?
Philippe Tayeb –
Absolument. Ma mère et mon père, qui est décédé il y a 14 ans, sont arrivés en Bigorre, il y a plus de 70 ans. Je suis né « au pied du château fort de Lourdes », une expression très locale. Mes parents avaient un hôtel-bar-brasserie qui servait de siège au FCL XV dans les années 1995. Ce sont mes racines.
 
Jouer au rugby était incontournable…
Ph. T. –
Pourtant, j’ai commencé par le foot, au collège. A 16 ans, j’ai été victime d’un très grave accident de moto. Ce qui m’a contraint à arrêter toute activité sportive pendant 2 ans. Je me suis mis tardivement au rugby, à l’âge de 18 ans.

Et ensuite ?
Ph. T. –
Après avoir rejoint les clubs d’Argelès-Gazost puis d’Ossun, en 1991, j’ai signé au Stade Bagnérais. C’était l’année où il y avait 80 clubs en championnat de France de 1ère division. Je suis ensuite revenu à Lourdes où j’ai repris l’affaire familiale, tout en jouant pour le FCL XV. Nous avons été champions de France en groupe B en 1995. Changement sportif pour la saison 1998-99, puisque j’ai signé à l’Aviron Bayonnais. Un signe ?

Vous avez été international…
Ph. T. –
Oui, avec l’Espagne, car j’avais la double nationalité, par ma mère. J’ai ainsi disputé la Coupe du monde de rugby à 7 à Hong-Kong en 1997 et j’ai participé à la qualification pour la Coupe du monde à XV, jouée en Écosse en 1999. Hélas, je me suis blessé lors d’un déplacement à Strasbourg avec l’Aviron et je n’ai pas pu m’y rendre. J’ai ensuite signé au Cercle Amical Rugby Lannemezanais ; malheureusement, mon genou a lâché au bout de 2 matchs… Fin de carrière à 31 ans.

 
Et votre vie professionnelle ?
Ph. T. –
En 1996, j’ai intégré un grand groupe d’assurance, La Mondiale. En parallèle, j’ai repris des études dans une école de commerce en 2002, puis à l’Edhec, en 2007, l’école des managers de Lille, via le cursus de la compagnie. J’ai eu la chance de faire une très belle carrière professionnelle dans ce groupe pendant 16 ans, de 1996 à 2012. J’ai commencé à Lourdes, chez moi, au bas de l’échelle, comme commercial. Puis, j’ai franchi tous les échelons jusqu’à devenir Inspecteur commercial à Toulouse, 5 ans après mes débuts.
 
Comment avez-vous pris le chemin de la côte basque ?
Ph. T. –
C’est un choix de vie. De belles opportunités professionnelles s’offraient à moi avec AG2R, mais travailler dans des grandes villes ne me convenait pas. J’ai alors décidé de venir sur la côte basque, en 2011. En fait, j’ai toujours eu envie de vivre au Pays Basque. Cela s’est concrétisé par l’achat d’un petit cabinet AXA, basé à Anglet, avec comme associé Michel Blanc, pas l’acteur [rires], mais un Lannemezanais.
 
Vous êtes maintenant associé avec Thomas Castaignède…
Ph. T. –
Il m’a fallu convaincre cet ami de 30 ans de quitter Londres. En fait, il avait besoin de couper un peu avec une vie particulièrement chargée. Depuis 2014, nous travaillons ensemble. Nous formons un vieux couple. Nous avons une relation professionnelle et amicale qui est super sympa, mais aussi très simple. Nous échangeons aussi autour du rugby. Thomas est au Comité directeur de la Ligue Nationale de Rugby, et il a siégé au directoire du Stade Toulousain. Il a, à mon égard, un œil toujours bienveillant.

Président de l’Aviron Bayonnais « par hasard » ?
Ph. T. –
Dès que je suis arrivé au Pays Basque, je suis devenu partenaire de l’Aviron avec une grande admiration pour le club. Parce que j’avais eu la chance d’y jouer et parce que j’aime la culture basque et celle de l’Aviron. J’y ai fait de nombreuses connaissances et, en 2018, certains m’ont proposé de travailler à leurs côtés pour m’occuper du développement commercial du club. Au fur et à mesure des réunions, ces personnes m’ont demandé de prendre la présidence. A cette période là, l’ancien président Philippe Ruggieri a permis à l’Aviron Bayonnais de rétablir une situation financière critique. Simultanément, un groupe d’actionnaires a recapitalisé le Club afin de passer le cap de la Commission de la DNACG. Ces apports financiers ont été décisifs pour sortir de l’impasse et finir la saison 2017-18. J’ai été nommé président en avril 2018, un président par hasard… En l’occurrence, comme je suis un compétiteur, lorsque l’on me confie une mission je fais tout pour arriver au bout et pour la réussir.

Une nouvelle gouvernance ?
Ph. T. –
Surtout, on travaille très dur, avec les équipes administratives et avec un conseil d’administration qui s’est construit un peu plus tard. Les personnes qui m’avaient demandé de venir ne sont plus là. Avec certaines, on n’était plus en phase. J’ai poursuivi mon chemin, en mettant l’institution au cœur du projet, en la plaçant au-dessus des intérêts personnels, des miens comme de ceux des autres.  Oui, il y a eu des divorces. Ils étaient obligatoires. Aujourd’hui, on a un conseil d’administration composé notamment de 7 familles du Pays Basque. Des personnes passionnées, mais aussi bienveillantes. Bienveillantes à mon égard, bienveillantes à l’égard du club. Le conseil d’administration se réunit 3 à 4 fois par an pour des décisions stratégiques. Et bien entendu, on se voit régulièrement, aux matches où dans la vie quotidienne. On fait des déplacements ensemble… Il y a une relation très saine avec tous les administrateurs et j’ai toute liberté d’action et de décision. Aujourd’hui, 98% des actionnaires sont en phase avec la gouvernance du club. Quelques personnes ont été écartées et le vivent mal. Cela peut se comprendre.
 
Où en est le projet AB Etxea ?
Ph. T. –
Nous sommes entrés dans une deuxième phase, baptisée « Envol 2027 ». Le projet AB Etxea, c’était d’avoir un nouveau stade, c’est le cas ; c’était de construire un centre d’entraînement, il a été fait. Je remercie le maire de de Bayonne, Jean-René Etchegaray et tous les élus qui nous ont permis de construire ce projet avec eux.
 
Jean Grenet a aussi joué un rôle majeur…
Ph. T. –
Absolument. Il m’a beaucoup aidé à comprendre les codes de la Ville, mais aussi dans la relation avec Jean-René Etchegaray. Il nous a rapprochés, il nous a permis de nous connaître. J’ai une forte pensée pour lui, car il aurait mérité de vivre tout ça et surtout de profiter de ce qu’il a pu m’apporter. C’est un homme qui a beaucoup compté dans l’évolution de ma mission au sein de l’Aviron.

Le club semble apaisé…
Ph. B. –
On travaille dans la continuité, après avoir mis en place un nouveau cadre. On a effectivement apaisé le club. Tout le monde a pris conscience qu’avec mon équipe nous travaillons exclusivement dans l’intérêt du club, dans l’intérêt du projet et de l’institution. A partir de là, on peut être en désaccord avec moi, ça fait partie de la vie. Et heureusement qu’il y a des désaccords, sinon ça serait triste. Chacun a balayé devant sa porte. Si l’Aviron n’est pas un long fleuve tranquille – et il ne le sera jamais -, il a retrouvé de la sérénité et surtout nous sommes dans une phase où il n’y a que de la construction

Vous dites vouloir rassembler pour plus de sérénité…
Ph. T. –
Parfaitement. J’essaye de le faire au maximum. L’année dernière a été une année importante dans ce sens, avec notamment la première délocalisation à Anoeta. Nous avons invité l’ensemble des anciens présidents et dirigeants autour de cet événement. Nous recommençons pour le 31 mars avec la réception de Toulon. J’essaye donc de rassembler. On ne peut pas faire l’unanimité, mais il y a eu assez de conflits. Bayonne s’est construit dans les conflits. Moi, je ne veux pas vivre du conflit, d’autant plus que je ne suis pas d’un tempérament à me laisser faire. J’ai conscience de ce qui est bien, de ce qui est mal. Je ne détiens pas la vérité, par contre je mets toujours au centre de l’échange l’intérêt de l’institution. Il n’y a que ça qui m’intéresse. Encore une fois, nous sommes totalement dans la construction.
 
Vous vous projetez donc sur 2027…
Ph. T. –
Même au-delà. Il faut toujours être dans des perspectives à 5 et même 10 ans. Nous devons absolument regarder à cet horizon, avec un agrandissement du stade, avec un projet structurel qui permettra de bâtir un outil d’exploitation autour de Jean-Dauger, et ses 16.300 places actuelles, avec un environnement exceptionnel qui en fait l’un des plus beaux stades de France, culturellement, géographiquement… au cœur de la ville. C’est unique. L’Aviron sera le seul club à être relié directement à une rue piétonne.
 
Des aménagements autour du stade ?
Ph. T. –
Dans notre environnement proche, il est prévu un parking de 360 places, communiquant aussi avec l’hôpital, ainsi que des logements pour notre centre d’entraînement, ou encore différentes activités tertiaires et médicales dans l’enceinte de Jean-Dauger. Nous avons déjà ouvert une brasserie, un lieu de vie qui rassemble tous les midis 60 à 70 personnes. L’évolution est vraiment positive.

Votre progression est spectaculaire…
Ph. T. –
Cette année, notre budget va normalement atteindre 30 millions d’euros consolidés : 27 pour la société (SASP) et 3 millions pour les deux filiales, dont le fonds de dotation. Il y a 4 ans, nous étions à 10 millions d’euros de budget et 75 salariés, aujourd’hui nous sommes à 30 millions et 130 salariés, staff sportif et joueurs compris bien entendu. Notre mission est de travailler dur pour créer de la richesse à injecter dans le sportif. C’est notre métier, nous sommes une entreprise de spectacle avec une dominante rugby.
 
Entre prudence et ambition ?
Ph T. –
Je dirais plutôt que le club avance avec de la sérénité, de la sagesse et de la prudence. C’est très important. Mais aussi, avec de l’ambition : celle de figurer dans les grands clubs français. Il y a une place particulière à prendre, avec notre environnement exceptionnel, notre région, notre culture… Une place à prendre sur la pointe des pieds, mais avec la folle envie d’amener, un jour, les Fêtes de Bayonne au Stade de France, à Paris, une belle image formulée par un administrateur.
 
Vous avez une équipe solide…
Ph. T. –
Effectivement. Je suis entouré de personnes de confiance, et je peux m’appuyer sur un directeur général, Alexandre Aubert, qui est là depuis 20 ans. Quand je suis arrivé, ça a certainement été compliqué pour lui parce que j’ai imposé ma méthode. Il est intelligent, brillant, et nous avons un lien de confiance réciproque. Avec son expérience de la maison, il m’a parfois évité de faire des bêtises, et de mon côté, j’ai essayé de lui apporter une dynamique et une envie de s’engager encore plus. Dans une entreprise, quand il n’y a plus de projets, plus de perspectives… on est dans une spirale de démotivation. Il a retrouvé une formidable envie de grandir personnellement et de faire grandir le club. Alexandre aime ce club, peut-être comme personne. Pour lui, c’est viscéral. Pour moi, ça le devient complètement. Originaire d’Auvergne, il a fait toutes ses études ici. Il a commencé comme stagiaire à l’Aviron et n’a cessé de progresser. Il est aujourd’hui directeur général. C’est une personne qui compte beaucoup dans l’environnement de l’Aviron et dans mon environnement personnel

Votre mode de gouvernance ?
Ph. T. –
Depuis 3 ans, nous avons un comité directeur. Une nouveauté pour ce club. Nous l’avons ouvert aux 7 cadres qui pilotent les différents services : la communication, le commerce, la finance, la restauration, l’évènementiel, le structurel et le fonds de dotation. Pour en en faire partie, il faut gagner sa place comme dans une équipe de rugby. Il faut démontrer qu’on a des compétences managériales et l’ambition de faire grandir ce club, pour avoir une place autour de la table des décisionnaires. J’ai un management très participatif, avec comme règle : pour 80% des décisions on discute, pour 20% on ne discute pas. 80% participatif, 20% le président.

Le fonds de dotation a pris une place importante sur le territoire…
Ph. T. –
C’est une brillante idée de notre directeur général. L’Aviron représente quelque chose de fort au Pays Basque. Nous avons conscience de notre rôle sociétal et nous y répondons avec les nombreuses opérations menées par le fonds de dotation, avec les partenaires et le club des mécènes. Nous avons aussi des grosses entreprises qui nous apportent des fonds pour des actions d’envergure, assez lourdes à piloter et à diriger… Mais, ça se passe bien. Un Comité de projets examine les différentes propositions liées à la RSE, au handicap, à l’environnemental et valide les actions à mettre en place.
 
Vos principales satisfactions ?
Ph. T. –
Je suis surtout très fier du travail réalisé depuis 5 ans. Aujourd’hui la grande réussite du club, c’est d’avoir construit un véritable modèle économique, d’avoir impulsé le goût entrepreneurial et surtout d’avoir rassemblé un maximum de gens autour du projet. Nous avons apaisé les tensions qu’il a pu y avoir par le passé.
 
L’apaisement était vital ?
Ph. T. –
Vraiment. Quand je suis arrivé, l’atmosphère était violente et le club en était traumatisé. Or, chaque fois qu’il y a un incident, il faut savoir qu’il y a de grosses répercussions sur nos partenaires, sur nos abonnés… surtout quand des médias font caisse de résonnance. Les gens ne mesurent pas l’impact négatif de certaines déclarations et articles. L’Aviron a vécu des périodes tumultueuses faisant beaucoup de mal à l’institution.

L’image de l’Aviron est redevenue très positive…
Ph. T. –
Oui, c’est notre fierté. Mais, il faut avoir conscience que rien n’est jamais acquis. Le club a toujours eu un capital sympathie, mais dans les périodes chaudes, beaucoup préféraient rester à l’écart, loin de tous les excès qui ont secoué l’Aviron. Aujourd’hui, on nous regarde différemment. Cette année, nous avons ainsi pu convaincre trois nouveaux grands partenaires nationaux de nous rejoindre. C’est le fruit de beaucoup de travail, et surtout d’un travail de sagesse.
 
Comment se prépare le match contre Toulon à Anoeta ?
Ph. T. –
Nous avons une très belle relation avec Saint Sébastien qui s’inscrit dans la durée, avec chaque saison une étape à Anoeta. Nous essayons de caler des dates dans l’intérêt de tous. Ce n’est pas facile, parce qu’il faut prendre en compte le calendrier de la Real Sociedad, celui du Top 14 et des autres grands événements. Cette saison, Nous aurions aimé y recevoir La Rochelle, mais nous y avons renoncé pour ne pas interférer avec la Korrika organisée sur le Pays Basque. Pour la réception de Toulon, bien que ce soit un dimanche de Pâques, nous espérons être à guichets fermés. Selon notre résultat contre La Rochelle, nous pourrons certainement afficher complet. Nous avons déjà vendu 32.000 places sur 38.000.

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